Installé à Caen, dans le Calvados, le Grand Accélérateur National d’Ions Lourds (GANIL) compte parmi les plus grands laboratoires de recherche au monde en physique nucléaire et disciplines associées. Il accueille chaque année plusieurs centaines d’utilisateurs pour des expériences destinées à percer les mystères de la matière et de l’univers.

Philippe Stroppa/CEA

A Caen, derrière les grilles du campus Jules Horowitz – entre le CHU et le Campus 2 de l’Université – se cache un équipement hors du commun : le Grand Accélérateur National d’Ions Lourds (GANIL). Grâce à ses cyclotrons et à son accélérateur linéaire, plusieurs dizaines d’expériences scientifiques de haut vol sont menées ici chaque année (8 en physique nucléaire, 48 interdisciplinaires, 23 pour des applications industrielles en 2023, par exemple).

Un large champ de recherche fondamentale et appliquée

L’installation de cette plateforme scientifique pour l’étude des ions lourds dans l’agglomération normande s’est décidée en 1976 – alors que Michel d’Ornano était ministre de l’Industrie. Les premières expériences y sont menées dès 1983. Plus de 40 ans après, le GANIL reste l’un des fleurons de la recherche en physique nucléaire française. Il figure parmi les plus grands laboratoires du monde dans le domaine.

La recherche fondamentale en physique nucléaire reste au cœur de notre activité, mais au fil des ans, un certain nombre de champs de recherche se sont ouverts en astrophysique nucléaire, astrochimie, matériaux sous irradiation, nanostructuration, notamment grâce au Centre de Recherche sur les Ions, les Matériaux et la Photonique (CIMAP), qui accueille sur les lignes du GANIL une partie de ces activités. Le GANIL s’est aussi ouvert à de la recherche appliquée, liée à l’énergie et à la médecine nucléaire en particulier “, constate Gilles de France, responsable de la division physique du GANIL, qu’il a rejoint en 1997 en tant que chargé de recherches.

Philippe Stroppa/CEA

Le GANIL en chiffres

300 salariés environ, dont près de 60 chercheurs et environ 200 ingénieurs et techniciens

18 millions de budget de fonctionnement annuel

• Plus de 300 utilisateurs et une centaine de visiteurs scientifiques accueillis pour des expériences chaque année

• Près de 80 expériences par an

4 600 heures de faisceaux disponibles

• Plus d’une centaine de publications scientifiques chaque année (121 en 2023)

(Source : rapport annuel du GANIL 2023).

Des installations de pointe

Philippe Stroppa/CEA

Pour accélérer les ions et étudier la matière, le GANIL compte plusieurs cyclotrons et une douzaine de salles d’expériences. Les premiers d’entre eux sont capables d’accélérer des particules, du carbone à l’uranium. Mis en service en 2001, un cinquième cyclotron permet d’accélérer les ions radioactifs produits par les premiers cyclotrons, dans un système en cascade.

Depuis 2019, le GANIL est aussi équipé d’une nouvelle installation, baptisée SPIRAL 2. Elle se compose d’un accélérateur linéaire d’ions (LINAC) et de trois nouvelles salles expérimentales. Grâce à ses intensités de faisceaux très élevées, capables d’accélérer des ions légers, lourds et à l’avenir très lourds, SPIRAL 2 vient encore étendre la palette des recherches en physique pratiquées sur site.

Ce qui fait la réputation du GANIL est sa capacité à offrir aux utilisateurs à la fois un large éventail de faisceaux d’ions accélérés et, en sortie, des systèmes de détections ultra-performants pour analyser les données.

Le GANIL, un équipement à part dans le monde de la recherche

• Le GANIL est un Groupement d’Intérêt Économique (GIE) partagé CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) /CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). Un statut unique dans le monde de la recherche, choisi dès 1976 pour faciliter la construction et la gestion de l’équipement.
• Il est reconnu IR*, c’est-à-dire infrastructure de recherche d’intérêt national. Il bénéficie à ce titre d’un financement direct du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

• Le GANIL est l’un des deux seuls laboratoires de physique nucléaire classé ESFRI en Europe. Cette stratégie européenne vise à soutenir une politique commune d’équipements en infrastructures de recherche de classe mondiale.

Une infrastructure d’excellence utilisée par des chercheurs du monde entier

Des chercheurs issus de laboratoires et d’universités du monde entier viennent ainsi chaque année en Normandie utiliser les sources d’ions du GANIL pour leurs expériences. L’équipement totalise une communauté d’environ un millier d’utilisateurs réguliers. Le GANIL vend aussi aux industriels 10 à 15 % de son temps de faisceaux (avec salle et personnel dédié) pour l’étude d’applications concrètes (aérospatial, médecine, etc). Parallèlement, la plateforme scientifique contribue à la formation de dizaines d’étudiants par an. Pour la seule année 2023, le GANIL a accueilli 38 étudiants en Master, 19 doctorants et 16 post-doctorants.

En plusieurs décennies, des dizaines de découvertes scientifiques majeures ont eu lieu au GANIL : mesure de masse de l’étain 100, radioactivité à deux protons, première observation d’atomes et notamment l’hydrogène -7, le noyau le plus exotique jamais observé, mise en évidence du caractère singulier du silicium-34… La recherche appliquée y a également réalisé de grandes avancées, en particulier dans le domaine de la médecine nucléaire. “ Nous avons par exemple pu produire certains radioéléments comme l’astate 211, un émetteur alpha qui se fixe sur des biomolécules afin de traiter certains types de cellules cancéreuses. Le GANIL est ainsi à la pointe sur le sujet “, souligne le responsable de la division physique.

Laurence Godart/CEA

Des événements à rayonnement mondial

Les grands événements scientifiques (colloque GANIL, Ganil Community Meeting, etc.), conférences et workshops organisés chaque année par le GANIL contribuent aussi à faire rayonner la Normandie. En 2026, le GANIL organisera par exemple la nouvelle édition de la Conférence Internationale sur les Accélérateurs de Particules (IPAC) à Deauville. Quelque 1500 chercheurs, scientifiques et ingénieurs du monde entier y sont attendus.

Nouveaux équipements et nouvelles ambitions

Philippe Stroppa/CEA

Le GANIL est aujourd’hui à un moment charnière. Alors que le projet CYREN a été lancé pour rénover et prolonger la durée de vie de ses cyclotrons historiques, les nouvelles salles expérimentales de SPIRAL 2 se mettent progressivement en place. La première, Neutrons For Science (NFS), qui produit des neutrons rapides, est déjà en service. La seconde, Super Separator Spectrometer (S3), conçue pour étudier des phénomènes très rares grâce aux faisceaux stables de très haute intensité, devrait entrer en phase de test fin 2025, début 2026. La troisième salle, DESIR, dédiée aux noyaux exotiques de basse énergie, entrera en service à l’horizon 2026-2027.

Parallèlement, le GANIL développe le nouvel injecteur NEWGAIN (EquipEx+), qui permettra de proposer les plus fortes intensités d’ions isotopiques au monde. Avec ces nouveaux équipements, de nouvelles découvertes fondamentales sont attendues. “ Nous lancerons dans les prochaines années, la réflexion pour établir notre nouveau programme scientifique au plan national et international, et ainsi dessiner l’avenir du GANIL pour les décennies à venir.

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