La dernière enquête sur les besoins en main-d’œuvre 2023 de France Travail (ex Pôle Emploi), sortie en mai, donne de précieux éclairages sur les tendances de recrutement et l’économie en Normandie. Décryptage.

Grandes orientations

139 750 : c’est le nombre de projets de recrutement estimés en Normandie en 2023, soit un bond de 12,1% par rapport à l’année dernière. Un chiffre positif qui révèle le dynamisme du territoire. Notamment au regard des chiffres nationaux, qui restent stables. Un bon niveau qui peut s’expliquer par des éléments de conjoncture économique favorables : un nombre de demandeurs d’emploi en baisse – plus qu’au niveau national – une hausse de déclaration préalable à l’embauche (qui permettent de mesurer les volumes de recrutements) et une augmentation de l’emploi salarié.

31,4% des établissements envisageaient ainsi fin 2022, de recruter en 2023.

Métiers les plus recherchés

Les 5 métiers les plus recherchés ? Agents d’entretien de locaux ; serveurs de cafés/de restaurants ; aides, apprentis, employés polyvalents de cuisine ; aides à domicile et aides ménagères ; ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires.
Des métiers qui apparaissaient déjà dans les enquêtes des années précédentes et qui se retrouvent également au niveau national.
Forte de son expérience – l’enquête est menée depuis près de 15 ans – France Travail (ex Pôle Emploi) relève une tendance intéressante : quand les besoins de recrutement augmentent, les difficultés de recrutement augmentent également.

Disparités territoriales

Si 31,4% des établissements envisagent de recruter à l’échelle normande, la Manche et le Calvados tiennent le haut de la moyenne (33,5%). Suivent la Seine-Maritime (31,5%), l’Orne (29,5%) et l’Eure (27%).
Une tendance confirmée sur les bassins d’emploi qui affichent quelques disparités liées au tissu économique local. De gros volumes sont notamment visibles à Rouen et Caen, dans le bassin de Saint-Lô et Coutances, le Havre, Lisieux ou encore Évreux.

Entreprises et secteurs d’activité

Sans surprise, ce sont les plus grosses entreprises (au-delà de 50 salariés) qui se projettent le plus dans leurs besoins de recrutement. Si les plus petites (moins de 5 salariés) ont légitimement une visibilité moindre, elles occupent cependant bien leur place aussi dans cette dynamique avec presque autant de projets d’embauche que les plus grandes, dans le volume total.

Société de plasturgie Polyvia à Alençon

Comme les années précédentes, c’est le secteur des services aux particuliers qui affiche le plus fort volume en termes de projets de recrutement pour 2023 avec 58 300 projets. Les métiers en tension restent très demandés ; le secteur de l’hôtellerie-restauration, dans une région aussi touristique que la Normandie, a toujours connu des besoins, mais qui ont marqué une importante progression au lendemain de la crise sanitaire. Les métiers d’aide à la personne ou en lien avec la santé, liés en partie au vieillissement de la population, restent dans le top 10.

Le regain positif de l’industrie

L’enquête éclaire la très forte progression de l’industrie, avec 40,2% des entreprises qui souhaitent embaucher en 2023 (+16,3% en un an). Un joli bond par rapport à 2022 (36%), c’est d’ailleurs le secteur qui enregistre la plus forte progression en termes de besoins de main-d’œuvre. Une tendance dans la droite lignée de la politique de réindustrialisation de la France et qui s’explique sur le territoire avec des projets de développement industriel majeurs, notamment en termes de décarbonation : on peut citer les bus électriques de l’entreprise Ebusco à Cléon, le nucléaire dans la Manche et en Seine-Maritime, ou encore les éoliennes en mer de Siemens-Gamesa au Havre.

Toshiba-seine-maritime

Un dynamisme qui explique également les projets de recrutement d’entreprises de moindre taille puisque beaucoup de sous-traitants présents sur le territoire profitent de ce rebond industriel constaté ces dernières années. Si l’industrie et les services aux entreprises ne sont pas les secteurs qui recrutent le plus en termes de volume, ce sont eux qui enregistrent la progression la plus importante, avec 13 166 projets (+16,3%) et 27 745 projets (+19,6%) pour 2023. Deux secteurs très liés puisque l’industrie fait appel à beaucoup de secteurs externalisés : transport, comptabilité, administration d’entreprise, logistique…

Difficultés de recrutement

En Normandie, elles sont très élevées : l’enquête révèle un taux de 70%, soit 6 points de plus par rapport à 2022. A titre de comparaison, à l’échelle nationale, le taux n’est que de 61%. Un sujet important pour les territoires mais aussi pour l’ensemble des acteurs de l’emploi qui accompagnent les entreprises dans leurs processus de recrutement.
Fin 2022, 97 400 projets d’embauche étaient ainsi jugés « difficiles » par les chefs d’entreprise lors de la réponse à l’enquête. Un ressenti globalement de « difficultés », mais grâce aux efforts déployés pour faire connaître le secteur, les métiers ou inciter les entreprises à développer leur marque-employeur, les recrutements sont possibles.

Des solutions mises en place

Le ressenti difficile de certains secteurs – hormis celui de la construction qui a toujours été élevé, 80% comme en 2022 – peut aussi s’expliquer par le faible taux de chômage en région (le taux le plus faible depuis 1982 !), entraînant une pénurie de candidats sur certains postes.
Ce ressenti peut-être tempéré selon les besoins et les secteurs : si un remplacement au pied levé dans l’hôtellerie restauration sera difficile, les acteurs de l’emploi comme France Travail (ex Pôle Emploi), organisent régulièrement différentes actions pour booster, souvent de manière originale, les processus d’embauche. Méthodes de recrutement pas simulation pour révéler les habiletés, périodes d’immersion en entreprise pour tester les métiers, recrutements par le sport (Du stade vers l’emploi) ou restaurants éphémères (les candidats à un poste sont invités à cuisiner devant des restaurateurs pour mesurer leur savoir être, leur habilité) … selon les besoins des entreprises, des parcours différenciés sont mis en place.

Homme qui travaille sur une tablette numérique

Des initiatives régionales permettent aussi de pallier ces difficultés. L’Agence régionale de l’Orientation et des Métiers s’emploie ainsi à dépoussiérer l’image de certains secteurs en direction des jeunes et propose même un réseau d’ambassadeurs métiers – des chefs d’entreprises prêts à évoquer les métiers de leurs structures ou proposer des stages.
Quant à l’AD Normandie, l’agence de développement économique de la Normandie, elle a mis en place depuis deux ans des Masterclass RH btob en direction des entreprises afin de les guider dans la construction efficace de leur marque-employeur.

Des facteurs propres à booster, sur le long terme, le recrutement normand !

Des outils normands indispensables

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