Après Eastman, l’entreprise belge Futerro a, elle aussi, annoncé son intention de s’implanter sur la zone de Port-Jérôme, en Seine-Maritime. L’objectif ? Ouvrir le premier site industriel au monde permettant de produire, transformer et recycler du bioplastique. Entre économie circulaire et transition énergétique : décryptage d’un nouveau projet innovant sur le territoire normand !
Histoire et expertise
Fondée il y a 30 ans à Bruxelles, la société Galactic a été la première à travailler sur le développement de l’acide lactique – le même que l’on retrouve dans le corps – par fermentation de sucre. « Nous avons démarré dans un tout petit labo avant de créer une entreprise, Galactic, pour le vendre comme conservateur alimentaire » explique Frédéric Van Gansberghe, le CEO et co-fondateur de l’entreprise. Dans un contexte industriel, la production d’acide lactique, de grande ampleur, se fait dans des fermenteurs qui abritent de l’eau, du sucre et des bactéries. « Ce sont ces dernières qui transforment le sucre en acide lactique. »
Forts de cette expertise en matière de production d’acide lactique, des chercheurs de l’entreprise se sont concentrés, à travers la filiale Futerro, créée en 2007, sur le développement de nouveaux produits pour l’industrie chimique et plus particulièrement la plasturgie, à partir de l’acide lactique, pour produire du PLA, ou acide polylactique (de l’anglais, polylactic acid).
Il s’agit d’un bioplastique qui est notamment capable de remplacer un grand nombre de plastiques d’origine pétrolière suivant les applications.
« Il est urgent de réduire notre empreinte carbone pour limiter le réchauffement climatique, il est donc nécessaire de trouver des solutions pour pallier l’impact de la chimie fossile » souligne le CEO. Et le PLA, en tant que plastique d’origine végétale (autrement appelé biosourcé), recyclable à l’infini, est un premier élément de réponse. « Il a exactement les mêmes propriétés lorsqu’il est recyclé que le polymère vierge. Il est très similaire au PET ou au polystyrène par exemple. On peut l’utiliser dans l’emballage alimentaire ou le secteur des fibres sans problème. Il y a même des utilisations où il est meilleur que les pétro-plastiques actuels, comme par exemple l’impression 3D. »
Après la mise au point de son procédé via un projet pilote en Belgique, Futerro a construit une première usine, en Chine. « C’est la plus grande usine d’acide lactique au monde à ce jour, avec une capacité de 200 000 tonnes, et qui fonctionne à partir de maïs. Elle alimente l’usine Futerro qui, elle, fait le biopolymère, ou bioplastique, avec une capacité de 100 000 tonnes, faisant de cette unité la seconde plus importante capacité installée au monde » précise Frédéric Van Gansberghe.
Une usine unique au monde
Après avoir envisagé plusieurs lieux – une vingtaine de sites dans une dizaine de pays ! -, l’entreprise belge a choisi la Normandie et particulièrement le territoire de Caux Seine Agglo sur la zone de Port-Jérôme pour implanter son site industriel européen. Un investissement estimé à 500 000 000 euros, sur 26 hectares, sur lesquels Futerro compte construire les trois usines intégrées qui permettront la production d’acide lactique, sa transformation en PLA et le recyclage de ce même PLA en fin de vie, en vue de sa réutilisation. Accompagnement facilité notamment par l’AD Normandie, transport via la Seine, proximité du port havrais, écosystème dynamique, industries en voie de décarbonation… autant d’atouts que le territoire normand a su vendre, enrichi par les nombreuses terres agricoles, nécessaires à la production. « Il n’est pas question d’affamer la population » sourit Frédéric Van Gansberghe qui rappelle que « 80 % des terres servent aujourd’hui à faire de la viande. Or, nous sommes de plus en plus incités à réduire notre consommation. Mais le corps ayant besoin de protéines, on doit en trouver ailleurs…» Le blé répond à cette problématique puisqu’on y trouve de l’amidon – que l’on utilise pour faire du sucre et donc notre bioplastique, mais aussi des protéines et des fibres qui restent dans le secteur de l’alimentation.
Ce projet, unique au monde, se distingue par ailleurs de sa grande sœur chinoise par la création in situ d’une usine dédiée au recyclage. « Le PLA est un polymère qui a deux propriétés intéressantes en fin de vie : il peut être composté de manière industrielle et disparaître au bout de trois mois ou être recyclé pour refaire de l’acide lactique et donc finalement du PLA vierge. » Une innovation signée par l’entreprise belge et baptisée Loopla®, destinée à recycler, à terme, l’ensemble des PLA.
Autre élément différenciant : l’impact sur la planète. Dans un souci de cohérence, l’entreprise belge met un point d’honneur à avoir une empreinte carbone minimale.
« Nous générerons 80 % de carbone en moins qu’un polymère pétrolier via l’utilisation de carbone dit biogénique (issues de matières organiques renouvelables). Additionnellement, notre objectif, pour faire notre propre énergie à Port-Jérôme, serait d’utiliser du bois ou des matières végétales pour s’affranchir totalement du gaz et du pétrole, limitant encore plus l’empreinte carbone de nos produits » conclut le CEO.
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