Jayson, 20 ans, et Maël, 25 ans, sont tous deux nés à Cherbourg-en-Cotentin, dans la Manche. Ils ont quelques années d’écart mais une passion et une expérience communes : le soudage et les Worldskills. Le premier a obtenu la médaille d’or à la dernière compétition nationale des métiers, à Lyon, et a donc rejoint l’équipe de France pour disputer la compétition internationale tandis que le second, 25 ans, l’a coaché patiemment les 10 mois précédents. Tous deux ont commencé en alternance et travaillent désormais en CDI chez CMN – les Constructions Mécaniques de Normandie, à Cherbourg. Regards croisés entre deux jeunes talents déjà bien confirmés, sur un métier industriel d’avenir.

« J'ai toujours voulu être soudeur – toute ma famille est dans ce métier-là… J’ai commencé à l’âge de 12 ans – je me souviens c’était à l’électrode enrobée ! »

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Jayson : « Plein de choses ! J’aime le fait d’être minutieux, appliqué, autonome… Être en équipe mais aussi concentré seul sur mon travail, dans ma bulle. Et puis j’aime beaucoup travailler dans le naval : on part de zéro, d’une tôle, qui deviendra, au fur et à mesure sous nos yeux un élément qui va former un bateau. »

Maël : « Oui, travailler dans le naval est plus intéressant que de simplement faire une pièce dont on ne sait pas à quoi elle va servir… Ce ne sont jamais les mêmes pièces, un jour ne fait pas l’autre, il y a une vraie variété des missions. On va avoir de la préfabrication, de l’assemblage de petites pièces avant montage ; du 2D avec les morceaux de bateaux qui sont assemblés dans l’atelier et du 3D, lorsque le bateau est totalement construit. »

vue bateau CMN

Quelles sont les qualités indispensables pour l’exercer ?

Maël : « Il faut être patient, rigoureux, il faut aimer ce que l’on fait parce que c’est un métier assez physique et savoir travailler en équipe. Il faut de la volonté et de la patience, mais c’est aussi un métier où l’on en apprend tous les jours. Il s’adresse aux femmes comme aux hommes, il y a une bonne ambiance. »

 Jayson : « Et il faut être à l’écoute et respectueux des gens qualifiés dans le domaine… avoir un certain coup de patte aussi, mais pas forcément de force. »

On voit vraiment le bateau grandir sous nos yeux : on voit des tôles arriver, les pièces sont montées au fur et à mesure, les blocs, puis le bateau, la peinture, l’intérieur… et on le voit à l’eau.

Comment pensez-vous qu’il va évoluer ?

Jayson : « Il évolue déjà depuis quelques années : il y a par exemple des robots de soudage qui font toute une longueur, sans s’arrêter. C’est un chariot avec la torche du poste à souder, et une télécommande. Cela nous permet de gagner un temps précieux, et ça rend le métier plus agréable, moins répétitif. »

Maël : « C’est sûr que le métier sera de plus en plus automatisé dans le futur, et donc moins pénible pour notre profession. On avance plus vite, avec une meilleure qualité, un meilleur rendement et c’est moins difficile pour les soudeurs : cela évite d’être à genoux. Cela ne remplacera pas notre métier : il reste de toute façon beaucoup d’endroits où les machines ne peuvent ou ne pourront pas aller. »

Pourquoi avoir tenté les Worldskills ?

Jayson : « Quand j’étais en mention complémentaire technicien de soudage, au CFA Edmond Doucet à Equeurdreville, une fille – Déborah Corette – participait aux Worldskills, à l’époque, ça s’appelait encore les Olympiades des Métiers. Ça m’a donné envie de participer et je me suis lancé là-dedans. »

Maël : « C’est vrai quon en parlait beaucoup au CFA. Personnellement, j’avais envie voir de quoi j’étais capable… puis c’était aussi l’occasion d’évoluer, on y apprend beaucoup. Quand Jayson est arrivé dans l’entreprise comme apprenti et qu’il nous a dit qu’il voulait tenter l’aventure, j’ai trouvé ça super ! Il a été sélectionné aux régionales, et j’ai commencé à le coacher pour les nationales. Le CFA de Doucey, normand, est en plus le centre d’excellence des Worldskills pour la soudure. Cela veut dire que chaque finaliste national français se rend ici, en Normandie, pour s’entraîner avant les compétitions. »

Julien Hélie

CMN, Constructions Mécaniques de Normandie

Situé à Cherbourg, le chantier naval fondé en 1956 par Félix AMIOT, a bâti sa renommée avec la construction de bâtiments militaires types patrouilleurs et vedettes à destination des Marines (françaises et étrangères).

Après plus de 60 ans d’existence, la société désormais rattachée au groupe PRIVINVEST est un acteur majeur de la construction navale, mondialement reconnue (notamment auprès des Marines étrangères), positionnée à ce jour sur les navires de combat, navires de pêche ainsi que sur les Énergies Renouvelables (hydroliennes marines et fluviales).

Comment se sont passées l’épreuve et la préparation ?

Jayson : « L’épreuve était composée de quatre modules. J’avais 19h pour tout faire : avec Maël, qui me coachait, on a convenu qu’il fallait les épreuves au mieux dans le temps imparti. Sans vouloir aller plus vite. Et ça a marché ! »

L’expérience au national c’était un truc de malade – le site, au parc-expo de Lyon, était impressionnant ! Le monde qu’il y avait, l’ambiance… c’était fou ! Hâte de revivre ça en septembre !

Maël : « L’entreprise nous a dégagé 10 semaines d’entraînement jusqu’à l’épreuve nationale, avec des semaines à l’école de soudure, à l’HEFAIS, et au CFA. C’était une bonne préparation aux épreuves… On a fait un melting pot des années précédentes, pour une préparation complète. C’était un peu dur sur la fin, pas physiquement, mais mentalement. C’est quasiment un an à s’entraîner, à faire les mêmes gestes. »

AROM

Les épreuves

Jayson devait réaliser trois éprouvettes, c’est-à-dire trois échantillons de soudure qui partaient ensuite en radiographie, afin de vérifier l’intérieur de la soudure.

  • La première épreuve, c’était une tôle en angle.
  • La seconde, c’était une pièce pression, c’est-à-dire un bloc dessiné en plan. Ensuite cette pièce est mise sous pression d’eau et est soudée par différents procédés.
  • L’épreuve numéro trois était une pièce en alu au TIG : c’est le procédé le plus minutieux.
  • Et la dernière épreuve était une pièce inox, sous TIG également.

Jayson : « Il y avait une bonne ambiance aux Worldskills, tout le monde s’entendait bien et dès qu’il y avait un coup de mou, on avait des gens pour nous accompagner. Le plus dur, c’étaient les entraînements, et la répétition des gestes. Mais je ne regrette absolument pas l’expérience et j’ai hâte d’aller à l’épreuve internationale, et de retrouver d’autres Normands dans l’équipe française. »

« Je pensais être chaudronnier, et pendant ma formation, j'ai fait du soudage : ça a été un vrai coup de cœur »

Qu’est-ce que représente la Normandie pour vous, et votre métier ?

Maël : « C’est là où je suis né ! J’y tiens beaucoup. Côté travail, on est une terre du naval, du nucléaire… avec des métiers qui recrutent. La métallurgie évolue, on a aussi beaucoup d’entreprises et de facilités pour exercer notre métier. Ce sont des industries qui deviennent de plus en plus modernes, et la Région met également beaucoup de moyens dans les formations. »

Jayson : « La Normandie est à nos côtés ! Personnellement, au-delà de la soudure, j’aime aller pêcher à Saint-Marcouf, et j’aime bien bricoler. »

Le saviez-vous ?

HEFAÏS est une école industrielle de haut niveau située à Beaumont-Hague dans la Manche, née de la volonté de plusieurs industriels normands pour pallier les difficultés de recrutements : EDF, NAVAL Group, CMN, Orano. Leur ambition est de former les meilleurs soudeurs et soudeuses de France pour les filières nucléaire et navale.
Elle est destinée aussi bien aux personnes en recherche d’emploi qu’aux salariés en entreprise, débutants ou confirmés, hommes et femmes, de Normandie ou d’ailleurs.

Un dernier mot pour encourager à se former à votre métier ?

Jayson : « N’hésite pas, fonce ! C’est un métier intéressant, on ne fait jamais la même chose, et utile, parce qu’on voit à quoi il sert. »

Maël : « C’est un métier qui se modernise et qui offre des perspectives d’évolution. Chez CMN par exemple, on est soudeur, puis responsable d’une petite équipe, puis chef d’équipe… Et c’est un métier qui paie bien : un bon soudeur peut gagner 2500 euros. Pour se former, le mieux c’est de faire un bac pro, puis une mention complémentaire soudage. Et quand on exerce, plusieurs qualifications, selon les procédés, doivent être renouvelées en grande partie tous les deux ans. »

Bon à savoir

Du 14 au 16 septembre à Lyon, plus de 800 participants ont relevé le défi des Worldskills, dans 69 métiers différents, allant des arts à la construction en passant par l’industrie. La région Normandie, emmenée par l’Agence régionale de l’Orientation et des Métiers, s’est distinguée lors de cet événement, remportant un total de quinze médailles (7 en or, 3 en argent et 5 en bronze, ainsi que 9 médailles d’excellence. 4 Normands – Thomas, Jayson, Thiaifène et Sacha – se sont qualifiés et intègrent l’équipe de France 2024 des Worldskills. Ils seront à Lyon en septembre 2024 pour défendre les couleurs de la France (et de la Normandie !)

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