C’est l’un des 4 Normands à avoir rejoint l’équipe de France pour préparer la compétition internationale des Worldskills en septembre 2024 : Thiaifène Acher, 20 ans, actuellement en alternance au sein de l’entreprise Mont-Blanc, dans la Manche, défendra le savoir-faire normand en maintenance industrielle. Regards croisés sur un métier qui a le vent en poupe sur le territoire avec Vincent Bettin, son formateur en BTS au sein du pôle formation IUMM Grand Ouest, à Caen.
C’est quoi ce métier ? En quoi cela consiste ?
Vincent : Je dis souvent aux jeunes pour leur expliquer que c’est un peu comme être le médecin généraliste de l’industrie : le métier de la maintenance vise à entretenir un parc machines afin que les systèmes en entreprise puissent être en mesure de réaliser leurs tâches.
Thiaifène : On fait un métier qui se compose de plein de métiers différents : il faut être un peu chaudronnier, usineur, mécanicien, automaticien, électricien… On doit réparer, maintenir en ordre, et fabriquer des systèmes spécifiques industriels.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Thiaifène : Moi, ce sont les imprévus, on ne sait jamais ce qui va se passer dans la journée. Le dépassement de soi aussi, parce qu’on travaille sous pression : il y a souvent beaucoup d’argent en jeu.
Vincent : Une journée n’est jamais la même et il y a toujours des défis. Quand j’explique aux jeunes pourquoi venir en maintenance, je compare avec un escape game : on a une problématique, mais après réflexion, la solution que l’on trouve, un peu comme la sortie, nous rend généralement fiers et contents. C’est ce côté joueur dans le diagnostic et la réparation qui est très intéressant.
J’ai été moi-même apprenti, et j’ai toujours eu des apprentis autour de moi dans mon travail. Avec le temps, j’ai tellement aimé transmettre que j’ai décidé de ne garder que l’aspect formation. J’ai postulé et ai été retenu au pôle CFAI de Caen, à l’IUMM de Caen, j’y suis depuis 6 ans.
Quelles sont les qualités indispensables pour l’exercer ?
Thiaifène : Je dirais la communication, l’assiduité, et l’organisation.
Vincent : Oui, et il faut être curieux et aimer réfléchir. Identifier une panne et réparer, c’est bien mais il faut également identifier le pourquoi et éviter qu’elle ne se reproduise.
Je voudrais créer mon entreprise en sous-traitance industrielle. L’année prochaine, je veux continuer en licence d’automatisme. Et apporter un œil extérieur aux entreprises qui ont besoin de maintenance.
Comment pensez-vous qu’il va évoluer dans le futur ?
Thiaifène : C’est un métier moderne : en 15 ans, il a fait un bond technologique énorme. Ça se compte parfois en mois, si l’on évoque les changements de logiciels par exemple. On est passés d’une industrie totalement mécanique à la robotisation, l’automatisation, le numérique, ça avance sans cesse, c’est passionnant.
Vincent : C’est vrai que le métier est en évolution constante – les systèmes communiquent entre eux, les pannes s’affichent sur écran… c’est la dynamique actuelle. Ma seule réserve, c’est qu’à l’inverse, on délaisse l’aspect mécanique, à la base du métier. Je pense qu’il faut garder un équilibre pour parer à toutes les pannes.
Comment s’est passée l’épreuve lors de la compétition régionale ?
J’avais le goût de la médaille d’or pour les épreuves régionales, comme nationales – j’ai la même envie pour la compétition internationale qui arrive.
Thiaifène : Cela s’est très bien passé, même si c’était éprouvant émotionnellement. J’avais deux jours et demi d’épreuves. 5 épreuves de 3h. Chaque épreuve évaluait un aspect de notre métier. L’équipe normande était soudée, et ça me fait plaisir de retrouver 3 autres Normands aujourd’hui dans l’équipe de France. On a des préparations physique et mentale avec l’équipe de France pour résister à la pression, mais aussi des entraînements techniques pour apprendre à creuser à fond le métier.
Vincent : Je l’ai aidé à évoluer sur des points encore méconnus et j’ai participé au jury des Worldskills aux régionales. Les attentes de épreuves, régionale comme nationale, correspondaient vraiment à la formation que l’on dispense aux jeunes. On a parfois des doutes sur ce que l’on fait et cela a conforté mon enseignement, c’était plutôt rassurant !
La Normandie ? Elle m’inspire la réussite parce que j’estime que c’est grâce à elle que j’en suis arrivé là. Après la médaille nationale, j’ai eu plein d’opportunités pour travailler ailleurs en France et à l’international. Mais pour moi, il y a tout ce qu’il faut ici, pas besoin d’aller ailleurs.
Selon vous, quels sont les atouts de la Normandie ?
Vincent : La Normandie est un gros plateau industriel avec beaucoup de diversité – ce qui permet d’en avoir aussi dans la maintenance. Même si cela signifie qu’il faudra un petit temps pour s’adapter aux systèmes ou process mis en place qui peuvent différer d’une industrie à une autre. Cela fait partie du boulot : s’adapter dans le milieu industriel que l’on découvre. Et à titre personnel, pour moi, il y a tout ce qu’il faut : la mer pas très loin, des paysages vallonnés et plats, de la forêt… un peu de tout.
Thiaifène : La Normandie inspire le monde industriel. Ça fait des années que la région est peuplée d’industries : dans le secteur du nucléaire, dans le pharmaceutique, l’agroalimentaire, l’aéronautique… C’est divers et varié, et réparti sur l’ensemble du territoire, c’est vraiment une région inspirante dans ce domaine.
Vincent, que dire pour convaincre des jeunes, filles et garçons, de tenter ce métier ?
Vincent : 80% des entreprises du territoire recrutent : c’est un métier d’avenir mais surtout du présent. Toutes les entreprises, des PME aux grosses industries, ont besoin de maintenance. Il y a du boulot partout et l’avantage c’est qu’on peut choisir où travailler. Et il n’existe pas moins d’une trentaine de formations sur le territoire. Il y a de plus en plus de filles qui viennent en formation. Le métier a besoin de l’approche féminine qui se fait avec plus de dextérité et d’anticipation.
Côté salaire, cela dépend beaucoup du type d’industries. En début de carrière, certaines vont proposer 2000 à 2005 net. Pour des entreprises parfois plus anciennes, ce sera plutôt 1400 à 1500 net. Mais le salaire ne fait pas tout : à mon sens, il vaut mieux trouver une entreprise avec un travail passionnant qui nous challenge mais un peu moins bien payé qu’une entreprise avec un salaire plus élevé où les missions se répètent.
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