Un objet étonnant, entièrement conçu et assemblé en Normandie, bouscule les codes de la pratique musicale. Imaginé par la musicienne et compositrice Karinn Helbert avec son associé Christophe Brunet, l’instrument Le maestro permet à des publics très éloignés de la musique de composer et de jouer. Née d’une histoire peu ordinaire, cette innovation à impact est aujourd’hui portée par la société Concerti.
Rien ne prédestinait Karinn Helbert à concevoir un jour un instrument de musique révolutionnaire. Et pourtant, c’est bien elle et Christophe Brunet, compositeur, qui sont à l’origine du maestro : un objet sonore unique, né d’une rencontre bouleversante.
Une des rares musiciennes au monde à maîtriser le Cristal Baschet
Karinn découvre la musique à l’âge de six ans à Caen. Elle suit un cursus classique au conservatoire, avant d’entrer dans une école de jazz à Paris. Devenue pianiste professionnelle, elle décide de se consacrer à la composition. Son parcours bascule à 40 ans. Invitée à se produire dans une mine d’ardoise, trop humide pour accueillir son piano, elle cherche un instrument résistant à l’eau.
Une recherche sur Internet la conduit jusqu’au Cristal Baschet, une sculpture sonore aussi rare qu’insolite, inventée par l’ingénieur Bernard Baschet. L’objet coûte 25 000 €, ne se loue pas, ne se prête pas. Qu’à cela ne tienne : Karinn prend contact avec le créateur, alors âgé de 92 ans, et lui demande de lui prêter un Cristal s’il la juge capable d’en jouer. Après un mois d’apprentissage intensif, le défi est relevé. Deux ans après, elle parvient à faire l’acquisition de son propre instrument et devient l’une des 10 seules personnes au monde à le maîtriser.
« La » rencontre qui a tout déclenché
Entre deux dates à l’étranger, une invitation dans un institut médico-éducatif (IME) la confronte à une autre réalité, en 2012 : celle du handicap. Elle y rencontre Camille, un enfant de quatre ans, polyhandicapé, atteint du syndrome du bébé secoué. Il ne parle pas, ne marche pas, mais lorsqu’il entend le son du Cristal, il lève la tête. Et chante, avec une justesse rare.
Cette réaction inattendue bouleverse Karinn Helbert. Au fil des mois, une communication non verbale s’installe autour des tonalités et des sons. Avec son partenaire compositeur Christophe Brunet, la musicienne décide de créer un instrument spécifiquement pour Camille, pensé pour sa sensibilité, sa condition et sa capacité à percevoir et produire la musique.
Pendant deux ans, les deux musiciens conçoivent un prototype à partir d’un boîtier en bois, relié à un ordinateur, dans lequel des modules musicaux originaux ont été programmés. L’objectif est simple : permettre à Camille de composer sa propre œuvre musicale, sans écran ni interface numérique visible, ni apprentissage complexe.
D’un prototype à la création de l’entreprise Concerti
Lorsque le prototype est présenté à Camille, l’enfant s’émerveille. Karinn lui promet d’aller jusqu’au bout de l’idée. Elle se met en quête de partenaires et fait la rencontre décisive de Normandie Incubation. Pourquoi ne pas faire de cette invention un véritable projet entrepreneurial ? Non plus pour un seul enfant, mais pour tous ceux qui pourraient en bénéficier en institutions, dans les ephad, les crèches, les écoles…
La rencontre décisive avec Sylvain Garnavault, prototypeur, déclenche la volonté d’industrialiser.
C’est la naissance de la société Concerti, en pleine période Covid. Le développement est ralenti, mais Karinn et Christophe prennent le temps d’emmener leur prototype partout où ils peuvent : chez des amis, dans des EHPAD, à l’école… Les retours sont immédiats : l’objet touche, apaise, stimule. Il renforce la concentration, l’estime de soi, la mémoire, et crée du lien social. Un outil relationnel non verbal, pensé autant pour émerveiller qu’éveiller.
Le maestro by Concerti : un projet profondément normand
Entièrement conçu, assemblé et développé en Normandie, Le maestro bénéficie d’un solide ancrage territorial. Le boîtier, au design épuré, est fabriqué par CIP à Argences (plasturgie) et l’électronique par Heliosengi à Flers. Le développement technique et design a été piloté entièrement par Sylvain Guarnavault, chef de projet chez Concerti.
L’entreprise a levé 1,5 million d’euros auprès de partenaires publics et privés (BPI, Crédit Mutuel, Business Angels, Région Normandie…). Fin, 2024, une première série de 300 exemplaires est assemblée à la main, à raison de trois heures par pièce. Une deuxième série de 500 exemplaires est en préparation, dont 100 destinés à l’export, principalement en Europe.
Chaque unité coûte 3 000 euros, en raison de la qualité de fabrication, du développement logiciel et du suivi. Des mises à jour régulières, téléchargeables, viendront enrichir les fonctionnalités. Des accessoires complémentaires sont également à l’étude.
Une ambition à l’international
Développé en Normandie, Le maestro commence à faire parler de lui bien au-delà des frontières régionales et nationales. Souvent sollicitée pour des concerts à l’étranger, Karinn Helbert ne se déplace jamais sans l’instrument, qui suscite la curiosité et l’adhésion d’un public varié. Avec la norme CE et une conception adaptable à différents contextes, l’outil présente un fort potentiel à l’export.
De Camille au maestro: la promesse tenue
Plus de dix ans après leur première rencontre, Karinn a revu Camille, aujourd’hui âgé de 16 ans, et Christophe l’a rencontré pour la première fois. Le tout premier exemplaire du maestro, celui promis, pensé et créé pour lui, lui sera offert prochainement. Un moment fort en symbole qui résumera à lui seul l’essence du projet : une invention née d’une émotion, transformée en projet industriel, portée par un territoire et aujourd’hui prête à toucher un public bien plus vaste.
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